L’économie Android, ou Google face à son écosystème

Le succès des appareils Android n’est plus à démontrer, quelque soit la région du monde observée, l’OS mobile de Google est le solide leader ou est en passe de le […]

Le succès des appareils Android n’est plus à démontrer, quelque soit la région du monde observée, l’OS mobile de Google est le solide leader ou est en passe de le devenir. Les ventes ne font qu’augmenter et petit à petit les « scores » s’accumulent. 500 millions d’appareils vendus, 1300000 appareils activés chaque jour dans le monde, plus de 50% du marché aux USA, plus de 70% en Chine… Et la liste peut être rallongée au plaisir.

Ce succès n’est pas un hasard total, depuis la sortie de l’iPhone en 2007, fabricants et opérateurs téléphoniques ont rapidement cherché une alternative à la solution d’Apple pour pouvoir répondre au mieux aux avancés évidentes qu’avait apporté alors cet appareil. Il faut bien se souvenir qu’en cette période, les rares appareils tactiles utilisaient d’horribles écrans résistifs, possédaient un système d’exploitation d’un autre âge pas du tout adapté au tactile, utilisaient souvent un stylet et n’offrait aucun confort qui justifie réellement leur prix comparé aux appareils plus génériques.

Si l’appareil d’Apple était extrêmement limité en fonctionnalités (pas de MMS, appareil photo 0,3 méga, pas de 3G, pas de visio, pas d’applications tierces…), il a séduit par sa simplicité d’utilisation et sa grande force : un navigateur web réel ouvrant les portes du véritable « internet » et non à des services WAP sans attraits.

Difficile de savoir si l’idée qu’avait Google en rachetant Android en 2005 se rapprochait de la vision d’Apple, ou bien si Eric Schmidt a effectivement repris les idées de Jobs alors qu’il siégeait au conseil d’administration de l’entreprise de Cupertino (lire : Android n’est qu’une vulgaire copie de l’iPhone). Quoi qu’il en soit, moins d’une année et demie après le lancement de l’iPhone, Google associé à HTC lançait le premier Android de l’histoire, le HTC Dream. Et même si l’OS était encore balbutiant, incomplet et relativement lent, c’était le premier système à pouvoir potentiellement offrir un confort d’usage proche de ce qu’offrait Apple.

Ce qui a particulièrement intéressé les fabricants et opérateurs dans Android, en plus du fait qu’il soit proposé gratuitement, c’est de pouvoir adapter et modifier le système pour y intégrer leurs différents services permettant de se différencier. Difficile d’ignorer de nos jours qu’un Android vendu par Samsung ne s’utilisera pas tout à fait de la même manière qu’un Android vendu par HTC ou Sony… Cette force qui a rapidement attiré de très nombreux acteurs vers la solution Android est également une très grande faiblesse (lire : Privatisation d’Android, un réel problème pour Google ?).

Inutile de le redire je suppose, mais cette « fragmentation » induite de part la diversité des appareils, des modifications effectuées et du suivi de chaque modèle rends relativement complexe l’évolution du parc installé là ou Apple maîtrise globalement bien mieux les choses. Cette fragmentation n’est toutefois pas un problème si grand que certains voudraient le dire, même si elle induit évidement une certaine latence avant de voir la nouvelle version d’Android prendre le dessus sur ses aînés, rares sont les utilisateurs qui n’ont pas au moins un appareil en version 2.2 en main, et qui donc ne peuvent profiter de la quasi intégralité de l’offre logicielle du Google Play Store (lire : Mises à jour : le talon d’Achile d’Android).

Toutefois il reste évident que la problématique reste, et Google se voit être obligé de marcher sur un fil en essayant d’imposer une certaine uniformisation de l’OS version après version, tout en laissant la marge nécessaire aux fabricants pour qu’ils soient toujours intéressés par la plateforme. Beaucoup ont longtemps cru que l’arrivée d’Android 4 (Ice Cream Sandwich) allait imposer l’interface par défaut aux fabricants, il n’en n’a rien été au final, et chacun pourra encore adapter la chose à sa guise. Pour autant le thème natif Holo a été rendu obligatoire pour continuer à utiliser certaines applications tel que Google Play. Google s’efforce même de séduire les développeurs à adopter les nouveaux codes d’interfaces via le site Android Design, et tente petit à petit d’apporter des réponses natives aux apports de tel ou tel fabricant le rendant inutile.

L’idée de Google étant qu’à terme, il deviendra superflu de modifier l’interface d’Android si ce qui manquait à l’origine se voit intégré nativement. Et on peut commencer à le sentir, la surcouche TouchWiz de Samsung pour Android 4 est moins lourde et reprends bien plus les codes de l’interface de base que jamais. De même chez HTC et son tout dernier Sense. Les mises à jour devraient en être facilitées d’autant à l’avenir, en tout cas c’est l’espoir clairement affiché.

Si sur le marché des smartphones, Android s’est clairement imposé, il reste encore énormément à faire dans d’autres domaines. Ainsi il est difficile d’ignorer l’échec actuel des tablettes Android. Le dernier chiffre officiel parlait de 12 millions de ventes en 2011, un résultat plus que décevant quand on sait qu’Apple vends plus de son iPad sur un trimestre… La chose est d’autant plus dure pour les différents fabricants qui doivent se partager ce maigre gâteau, et ne dégagent que de très maigres bénéfices quand ils gagent de l’argent…

Pour autant, il y a certainement un large marché pour des tablettes offrant autre chose que l’iPad, mais pas au même prix sans offrir de plus réels. Car il faut rester réaliste, même si certaines tablettes Android sont excellentes, quand on sait que l’AppStore propose plus de 250000 applications adaptées à l’écran de l’iPad, on mesure vite l’écart qui s’est creusé sur ce secteur. Difficile d’attirer de nombreux développeurs quand le marché potentiel de clients est au mieux, quatre fois plus petit ! La chose évoluera peut être maintenant qu’une tablette « Google » est sortie, la Nexus 7 (lire : Nexus 7, la première véritable tablette Android ou smartphone géant ?).

Autre secteur qui peine à décoller, celui des télévisions connectées. Le célèbre Google TV existe bel et bien depuis deux ans maintenant, et là encore il faut reconnaître que le produit peine à trouver son public. Les atouts sont pourtant nombreux et le produit fonctionne plutôt bien, l’ayant moi même utilisé pendant un séjour américain, mais il reste encore relativement peu répandu. Les boîtiers Google TV ont été un échec cuisant que Logitech n’oubliera pas de si tôt, et seuls quelques acteurs comme Sony intègrent le service à leurs téléviseurs. Pour autant, là encore Google a de grandes ambitions, Eric Schmidt ayant affirmé que « d’ici l’été 2012, la majorité des télévisions sera livrée avec Google TV » lors du CES en janvier dernier, et il faut avouer que les accords dévoilés lors du même salon avec les géants du secteur que sont LG et Samsung sont prometteurs et laissent à penser que Google pourrait imposer son interface même si on ne sait pas vraiment encore si les utilisateurs répondront présent. Le marché français promettant d’être d’autant plus complexe à gagner que les box de nos fournisseurs d’accès proposent déjà de très nombreux services qui se rapprochent du Google TV… A cela s’ajoute que finalement bien des fabricants ont changé d’objectif, l’été est passé et la majorité des téléviseurs n’intègrent pas encore ce service !

Android se vends très bien globalement, et devrait se vendre encore plus à mesure que Google intègre le système à plus d’appareils de toutes sortes. Il reste cependant une ombre qui vient toujours un peu gâcher la fête… Le côté financier.

Déjà pour Google, même si Android est énormément diffusé, il ne lui rapporterait quasiment rien en l’état. Diverses études comme celle de The Guardian parlent d’un revenu moyen de 10$ par appareil sur le marché par an. Ce qui ne représenterait qu’une petite goûte d’eau comparé aux résultats financiers globaux de l’entreprise, 10,65 milliards de dollars pour le premier trimestre 2012 au bas mot ! Google aurait même gagné plus de quatre fois cette somme grâce aux appareils iOS qui utilisent eux aussi ses services… L’étude restant toutefois questionable et tant que Google ne dévoilera pas les chiffres réels d’Android.

Même si les résultats d’Android étaient meilleurs, il faut voir qu’à l’heure actuelle, le bénéfice potentiel semble à lui seul totalement annulé par le rachat de Motorola pour 12,5 milliards d’euro, principalement pour acquérir un grand portefeuille de brevets permettant de répondre aux très nombreuses attaques de la concurrence. Ce rachat est lui même mis en péril par les rumeurs qui verraient bien Google revendre le bébé au chinois Huawei suite aux nombreuses critiques tant sur le potentiel problème vis à vis des autres fabricants, mais aussi vis à vis de la gestion de certains brevets « FRAND » très critiquable pour laquelle l’Europe a même récemment ouvert une enquête. Sans même évoquer le fait que, jusque là, aucun des brevets de Motorola n’a permis de réellement défendre Android face aux attaques d’Apple et Microsoft…

Les partenaires de Google, les fabricants en premier lieux, doivent eux aussi apprendre à gérer ce marché pas évident. Outre le fait qu’il faille savoir se démarquer des autres en utilisant le même système, on a vu en 2011 un fabricant prendre une place prépondérante. Samsung a en effet connu une croissance insolente, se permettant même de devenir en ce début d’année le plus gros fabricant de téléphones et de smartphones au monde ! Difficile dès lors pour les autres de suivre la cadence folle. HTC, l’une des marques les plus engagée dans Android depuis ses débuts en a payé le prix fort, après une croissance sans faille depuis le lancement du HTC Dream en 2008, l’année 2011 a été une forte désillusion sanctionnant une gamme d’appareils ayant trop peu évolués. Plus que jamais, il sera difficile pour certains fabricants de suivre le rythme imposé et certains y laisseront des plumes.

Surtout si on ajoute à cela le coût des procès évoqués plus haut, principalement d’Apple et Microsoft. Qui ont obligés une bonne partie des constructeurs à payer des sommes relativement importantes à Microsoft qui tire ici plus de revenus que depuis ses propres systèmes mobiles !

Enfin, les développeurs ont aussi de quoi voir quelques soucis. Même si la plateforme Google Play Store affiche une belle santé avec plus de 600000 applications proposées, toutes les études s’accordent à dire que les utilisateurs Android sont moins enclins à payer leurs applications que les autres, le modèle freemium étant souvent mis en avant. Même si ce dernier pose d’autres problèmes comme un usage de la batterie plus important nécessaire pour afficher correctement les bandeaux publicitaires. Globalement une application payante équivalente sera bien souvent moins rentable sur Android que sur iOS par exemple. Surtout si on ajoute les frais engendrés par le surcoût nécessaire à la gestion du parc très hétéroclite des appareils Android. Et sans même évoquer les problèmes de piratages applicatifs qui sont souvent rendu plus simples de part la possibilité d’installer n’importe quelle application sans passer par le magasin officiel.

Tout n’est pas noir pour autant et beaucoup de développeurs trouvent leurs compte à supporter l’OS de Google, des succès comme la série Angry Birds, Temple Run ou plus récemment Instagram sont des preuves qu’il est possible d’avoir un réel impact tout en restant gratuits. Et même en payant, certaines applications sont des success-story comme le célèbre Beautiful Widgets qui a dépassé les 5 millions de ventes !

L’avenir devrait aller au mieux dans ce secteur, Ice Cream Sandwich ayant ajouté l’étape de la demande des informations de carte bancaire à sa séquence d’activation, facultative évidement. Cela devrait rapidement inciter beaucoup de nouveaux utilisateurs à consommer plus facilement. Le lancement de la plateforme Google Play et ses 10 jours de promotions ont eux aussi été un formidable moyen de motiver les gens à créer leur compte Google Wallet et de s’ouvrir la porte aux applications payantes. En espérant que Google continuera ces périodes de promotions de temps à autre.

Concernant Google Play justement, l’ouverture récente en France de la vente de films laisse espérer une diffusion de plus en plus rapide du contenu actuellement proposé aux USA uniquement. Nous sommes toujours interdit d’accès aux musiques, un marché qui a permis à Apple de se relancer et qu’il serait bon de bousculer un peu tant ce dernier reste large leader.

Comme on peut le voir pour résumer, il reste encore bien des défis à Google et ses partenaires pour pouvoir continuer à améliorer l’offre Android et surtout dégager de plus en plus de revenus.

About Bruce