Adobe abandonne Flash sur Android, Steve Jobs avait-il raison ?

Ça pour une nouvelle ! C’est en effet une sacrée surprise relayée par ZDNet qui affirmerait que, selon une source interne, Adobe va très prochainement annoncer l’arrêt du développement du […]

Ça pour une nouvelle ! C’est en effet une sacrée surprise relayée par ZDNet qui affirmerait que, selon une source interne, Adobe va très prochainement annoncer l’arrêt du développement du plugin Flash pour les appareils mobiles Android et la tablette Playbook de RIM.

Evidemment, puis la révélation de ces propos cette nuit aux USA, l’information a fait le tour du net et beaucoup y voient ici clairement une victoire posthume de Steve Jobs qui s’est employé à détruire méthodiquement cette technologie à plusieurs reprises pour justifier de son absence sur les terminaux iOS. Pourtant la réalité des choses est tout autre, et il s’agit de lire entre les lignes et ne pas céder au raccourcis facile et rapide que ne vont pas hésiter à faire une majorité d’amateurs d’Apple en reprenant en coeur les anciens propos du regretté patron. D’ailleurs la majorité des réactions à cette information vont dans ce sens et se trompent fortement. Explication !

Flash est une technologie assez ancienne, originellement développée par Macromedia (enfin pour être plus précis, par FutureWave, racheté en 1996) dont la première version sous ce nom date de l’année de son rachat, 1996 donc. A l’époque il s’agissait d’une extrêmement novatrice qui associait un éditeur riche agréable à utiliser et un plugin de rendu. Toute la force à l’origine de Flash est de ne pas se baser à l’origine sur des animations d’images (dites bitmap) ou encore de la vidéo, mais sur des vecteurs. Ces objets mathématiques ont des qualités qui ont de quoi intéresser à l’époque, très léger en taille, ils peuvent s’adapter à n’importe quel écran et s’animer très aisément de manière fluide sans avoir un gros besoin de ressources matérielles.

Quand on se souvient de ce qu’était le web de l’époque, on se rends compte aisément de l’intérêt d’une telle technologie. On était à ce moment là encore en pleine guerre entre NetScape 4 et Internet Explorer 4 ou 5, et les capacités de rendu et d’animations du HTML de l’époque étaient proche du zéro absolu. C’est donc sans surprise que l’industrie toute entière a sautée à pieds joints dans cette technologie et en quelques années, l’immense majorité des gens étaient équipés du plugin. En 2002 on estimait que 92% des utilisateurs possédaient le plugin Flash installé, le plaçant de fait en position de norme pour tout ce qui est contenu riche et animé sur le Web.

Flash a énormément évolué, tant côté développement avec un changement de langage interne, des capacités d’éditions bien plus puissantes et surtout, le rachat de Macromedia par Adobe a placé Flash en très bonne position au sein de la suite de logiciels à succès que sont Photoshop ou Illustrator. Les capacités du « petit » plugin se sont rapidement étendues, et Flash a énormément prit de poids sans forcément être optimisé comme il le faudrait et a dès lors commencé à devenir assez lourd à l’usage. L’ajout du support de la vidéo en est un bon exemple. A l’origine ce plugin n’avait pas du tout été pensé pour cette tâche, et c’est un peu contraint et forcé que cette fonction a été ajoutée au forceps. Et si bien des sites ont rapidement utilisé cette fonctionnalité (Youtube, Dailymotion et bien d’autres en tête), c’était en réalité une semi aberration dès le début. Seulement c’était à l’époque le seul moyen de proposer directement de la vidéo au sein des pages sur toutes les plateformes et tous les navigateurs.

De fait, Flash, employé à tords et à travers, a connu bien des dérives. On ne compte plus le nombre de sites totalement en Flash qui étaient d’une lenteur impressionnante et absolument pas pratiques à utiliser. Et c’est en grande partie ces mauvais usages qui ont fait la mauvaise réputation du plugin. Sans même évoquer les problèmes d’adaptations et de développement chez Adobe qui n’ont eu de cesses d’ajouter des fonctions à Flash sans penser à alléger son exécution.

Seulement il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Si en 2011, enfin, une majorité d’utilisateurs sont équipés d’un navigateur permettant d’offrir des animations basés sur le HTML5, ce n’est vraiment le cas que depuis peu. Et il reste bien des cas ou la seule solution pour proposer un élément riche sur un site internet reste le Flash. Sans même évoquer les millions de sites qui utilisent flash de manière plus ou moins importante, exception faite des publicités j’entends. Flash est encore un incontournable du net et ne pas posséder l’extension vous bloquera toujours à un moment ou un autre dans votre navigation.

La position de Jobs à propos de Flash n’a jamais été très honnête, car même si tout le monde s’accorde à dire que les animations Flash sur mobiles ne sont pas toujours rendues de la meilleure des façon et pas toujours utilisables de manière optimale, il était mensonger de dire que c’était impossible à réaliser ou que cette technologie aurait réduit immédiatement la vie des batteries des iPhone l’utilisant… La preuve en est, Flash existe sur Android et même si ce n’est certes pas l’expérience utilisateur la plus adaptée qui soit, la chose tourne pas si mal et permet bien souvent de dépanner en cas de besoin.

Bien des sites utilisent encore du Flash à l’heure qu’il est, des sites de photographes, artistes, graphistes, musiciens, des restaurants, des musées, des hôtels, des lieux de sorties tels que des clubs, des cinémas et j’en passe… Combien de fois j’ai pesté contre mon iPhone incapable de m’afficher un site de restaurant en Flash afin d’en lire la carte…

Il est FAUX d’affirmer que Flash tourne mal sur Android, et si on ne lui demande pas de faire des rendus 3D, il permet tout de même d’avoir accès aux informations désirées. Petit exemple avec le site d’un restaurant parisien, le Kong, qui à l’époque ne proposait pas un site mobile mais uniquement un site en Flash. Site mobile qui par ailleurs ne possède aucune animation et est juste une série de pages fixes…

D’autant plus que les solutions d’éditions d’animations en HTML5 ne sont pas encore au point, il faut le dire, et nous n’en sommes encore qu’au début. A moins d’être un développeur, il est encore quasiment impossible d’offrir une animation HTML5 du même niveau que ce qu’un habitué du Flash pourra produire. Sans même évoquer les soucis de compatibilité d’un navigateur à l’autre, ceux qui n’ont jamais développé de sites mobiles riches ne peuvent connaitre ces problématiques mais elles sont réelles ! Même si l’avenir est clairement dans cette voie comme je le disais il y a quelques mois sur ce même blog.

Alors que comprendre de l’arrêt de Flash par Adobe ? Une victoire indirecte d’Apple ? Non, cent fois non !

Encore une fois il ne faut pas lire les choses à moitié. Adobe a annoncé de longue date que les prochaines évolutions de Flash transformeront le plugin en un support adapté au jeu en ligne via un navigateur internet. Exploitant ainsi l’accélération matérielle afin de fournir un rendu 3D aussi puissant que possible tout en restant très accessible. Et cette nouvelle orientation ne cadre pas du tout avec la mobilité ou le matériel rendrait la chose impossible. Dès lors, il est parfaitement logique qu’Adobe ne fasse pas de déclinaison mobile de cette évolution. C’est pourquoi Adobe annonce aujourd’hui que le plugin mobile restera « en l’état » à l’avenir. Servant principalement à assurer la compatibilité avec les millions de sites existants qui utilisent le Flash que nous connaissons à ce jour.

Le plugin ne sera donc plus amélioré, sauf correctifs de bugs et de failles de sécurités, mais il n’est pas supprimé pour autant ! On peut même supposer que les fonctionnalités de Flash actuelles seront intégrées à Adobe AIR qui pourrait devenir le successeur naturel du plugin que nous connaissons. Flash sur mobile existe, et restera là pour ceux qui en ont le besoin. Avec comme toujours la possibilité de le désactiver si besoin, sans oublier de préciser que Flash n’utilises pas de ressources si on ne va pas sur une page qui l’utilise !

Le HTML5 viendra progressivement remplacer Flash, c’est une évidence, mais les choses ne se font pas du jour au lendemain, et je vois mal des photographes ou autres qui ignorent tout du développement internet, refaire leur site en HTML5 sans un outil simple de transition. Et justement, Adobe travaille depuis de nombreuses années à de tels outils, avec une avance certaine même sur des entreprises comme Apple (pour qui le HTML5 est réservé à Safari…) ! Comme quoi… Le méchant n’est pas toujours là ou on le voit.

Vive Flash et vive le HTML5 ! 🙂

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