L’industrie informatique n’est-elle pas en train de tuer la poule aux oeufs d’or ?

Le retrait d’HP du marché de la téléphonie mobile ainsi que du PC a fait l’effet d’une bombe ces derniers jours. Et met en évidence quelque chose de bien plus […]

Le retrait d’HP du marché de la téléphonie mobile ainsi que du PC a fait l’effet d’une bombe ces derniers jours. Et met en évidence quelque chose de bien plus vicieux, à trop vouloir baisser les prix, les fabricants ne gagnent plus suffisamment d’argent pour continuer à en vivre !

Evidemment dit ainsi c’est un peu brut de décoffrage et en partie faux, mais tout de même. Quand on regarde comment ont évolués les prix du matériel informatique, on constate qu’il n’y a jamais eu que des baisses de prix. Des premiers PC des années 80 vendus largement au delà des 10000 francs de l’époque, aux derniers modèles actuels que l’on trouve généralement entre 400 et 800€, la chute est impressionnante. Sans même évoquer les netbooks qui sont parfois vendus moins de 200€ pour un matériel certes vieillissant mais suffisant pour bien des usages.

Le phénomène se reproduit aujourd’hui avec les tablettes tactiles. Avant la sortie de l’iPad, rares étaient les modèles à moins de 1000€. Apple a frappé un grand coup et imposé un tarif psychologique acceptable pour ce type de matériel, avec une entrée de gamme à 500€. La concurrence prise de court a eu tout le mal du monde à arriver à baisser ses coûts pour sortir des produits similaires à un prix équivalent, les premières tablettes Android étaient par exemple largement au delà des 600€ !

Si aujourd’hui on voit enfin apparaître de nombreuses offres entre 300 et 400€, voire moins avec l’arrivée de modèles comme ceux d’Archos, c’est toujours au détriment de la marge faite sur chaque produit, les industriels récupérant la mise sur le volume des ventes. Tout du moins c’est là l’objectif !

Mais cet objectif, si il est intéressant pour le consommateur final, est très risqué et pourrait bien amener d’autres industriels à se détourner de ces domaines. Pourquoi me direz-vous ? Hé bien la réponse est simple. Pour produire des produits technologiques performants en masse, il est nécessaire de faire de lourds investissements en recherche et en développement des unités de productions. Et il n’existe aucune garantie que les ventes des produits arriveront à rentabiliser ces investissements !

C’est exactement ce qu’on peut observer avec la défection d’HP. Depuis plus de 5 ans maintenant, HP était le leader incontesté du marché PC. C’était l’entreprise qui vendait le plus d’ordinateurs au monde ! Largement devant son premier concurrent, Acer, et bien plus qu’Apple par exemple. Pourtant si on regarde les bénéfices générés, c’est cette fois Apple qui prends largement la tête avec sa politique de réduction des coûts côté fournisseurs, et un prix de vente constamment au dessus du reste du marché. Les résultats sont éloquents, Apple dégage bien plus de bénéfices que tous les autres, en vendant pourtant bien moins d’appareils !

Autre élément à prendre en compte, le fait de privilégier le volume sur la marge  ne peut fonctionner que si l’on vends énormément. Et avec les dizaines de marques qui arrivent toutes avec des appareils relativement proches les uns des autres il semble bien difficile de garantir à toutes un succès commercial ! Les tablettes concurrentes ont déjà tout le mal du monde à sortir du lot, HP a réussit à s’attirer les feux des la rampe grâce à un coup de massue sur les prix, vendant ses produits en pure perte (ce qui n’est pas illégal pour un fabricant, à ne pas confondre avec un revendeur), mais même si Android progresse énormément ces derniers mois, les volumes des ventes de l’iPad sont au beau fixe pour le moment.

Les seuls modèles qui s’en sortirons à mon sens ne seront que les appareils qui arriveront à se démarquer suffisamment du lot, soit par un design original, soit par une utilisation novatrice, le tout avec un prix suffisamment bas pour intéresser le public mais suffisamment haut, justifié par la qualité offerte.

Sony semble être parti sur la première solution, ses tablettes Sony Tablet S et Sony Tablet P sont pour le moins originales et se démarquent clairement du reste de l’offre, elles sont proposées à un prix relativement équivalent à ceux de l’iPad qui semble se justifier. Asus pour sa part a opté pour les solutions innovantes utilisant leur acquis netbook/notebook pour réaliser des modèles hybrides tel que l’excellent EeePad Transformer ou le nouveau EeePad Slider, avec un prix compétitif assuré par les capacités de productions de l’entreprise. Samsung a également opté pour une approche un peu alternative, avec des modèles de taille différentes pouvant répondre aux attentes de chacun, de 7 à 10 pouces, sur un tarif équivalent là encore à l’iPad pour le modèle 10 pouces.

Mais que dire des autres ? Si les Motorola Xoom, Toshiba Thrive et autres HTC Flyer sont de bons appareils, ils sont vendu trop cher pour ce qu’ils proposent. Quand je vois l’annonce de la prochaine tablette 10 pouces de HTC annoncée à $700 ! Bien trop pour détourner les gens de l’iPad, même si le matériel est meilleur sur le papier. Une tablette ne se consomme pas comme un ordinateur, l’aspect technique entre bien moins en jeu à partir du moment ou toutes offres des performances relativement semblables.

Reste ceux qui rognent les prix, Acer connait un bon démarrage avec son Iconia Tab, mais même là, leur production est à des niveaux inférieur aux attentes. Comme Asus, ils ont les moyens de maintenir un prix bas comparé au marché grâce à leurs capacités de productions historiques, mais cela suffira-t-il à rentabiliser les choses ? Surtout que des acteurs bien plus agressifs sont sur le point d’arriver, des gens comme Archos qui annonce une tablette technologiquement performante à un prix plancher inférieur à 200€ ! Vont-ils tous pouvoir suivre la donne alors même que les volumes de ventes sont encore incertains ?

Ce qui est sûr, c’est que tous n’auront pas le succès souhaité, quelques acteurs arriveront toujours à vendre des produits à bas prix, mais à mon sens, le marché ne sera pas mené par ces acteurs là.

Illustration de Jean-Claude Bauer, librement retouchée par mes soins.

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